Coups de coeur lyriques
Vous voulez découvrir l'opéra mais ne savez pas par quoi commencer ? Voici ce que moi, j'emporterais sur une île déserte.
Le répertoire lyrique est bien vaste et le néophyte s'y perd volontiers. Il n'est pas rare que l'on me demande des conseils d'oeuvres à découvrir en priorité.
Tout le monde n'a pas la même sensibilité : certains seront d'emblée plus séduits par la clarté mozartienne et la pétulance de ses comédies, d'autres par le romantisme voluptueux et le fantastique wagnérien, d'autres encore vibreront aux passions pucciniennes ou aux tourments des personnages de Verdi, à moins qu'ils ne préfèrent la virtuosité baroque. Il y a en a pour tous les goûts !
J'ai choisi de vous présenter ici les enregistrements qui, dans les premiers temps de ma découverte de l'opéra, à l'enfance et à l'adolescence, m'ont fait frémir, pleurer et m'ont définitivement transmis le virus de l'opéra.
Ce ne pas forcément "la" meilleure version (même s'il arrive que cela soit le cas), mais celle qui fut pour moi un tel coup de coeur que j'ai du mal à en écouter une autre !
Bien sûr, la liste n'est pas exhaustive : à ce jour, elle est infiniment plus longue...? !
Voici donc mes coups de coeurs lyriques, sans objectivité !
La Flûte Enchantée, Mozart, Karl Böhm, CD
Fritz Wunderlich, Dietrich Fischer-Dieskau Franz Crass, Evelyn Lear, Roberta Peters
"La Flûte" est une valeur sûre, pour tous les âges ! Papageno séduira petits et grands, et les plus passionnés tenteront d'approfondir toutes les symboliques maçonniques présentes dans cette oeuvre.
Tamino et Papageno y sont ici interprétés par les deux plus grands chanteurs allemands de leur époque (et de tout le XXe siècle).
La pureté et la perfection du chant de Wunderlich n'a pour moi jamais été égalée, et Fischer-Dieskau, pourtant si sérieux, campe un Papageno de haut vol... et le reste de la distribution est de la même qualité.
Au passage, la qualité des dialogues parlés, et notamment la verve irrésistible de Fischer-Dieskau offre une excellente occasion d'apprendre l'allemand.
Il existe aussi une présentation de La Flûte Enchantée pour les enfants racontée par Claude Rich qui reprend justement des extraits de cet enregistrement. (C'est celle que j'avais quand j'étais petite).
La Périchole, Offenbach, M. Plasson, EMI
"Il grandira car il est espagnol, gnognol"
Quoi de mieux pour découvrir l'opéra que sa parodie, quand elle est interprété avec le même talent qu'une oeuvre sérieuse, avec d'immenses artistes lyriques.
La Périchole, est un opéra bouffe... pas si bouffe que cela. Le Piquillo de José Carreras le plus attendrissant qu'il soit, n'apprécie guère que celle qu'il aime, sa belle Périchole, soit devenue la maîtresse du vice-roi pour ne pas mourir de faim. Mais ce monarque, incarné par le truculant Gabriel Baquier, n'est pas tendre, et n'hésite pas à jeter au cachot les "maris récalcitrants". Il faudra toute la chaleur du chant de la sublime Berganza pour les sortir de cette mauvaise passe.
La Belle Hèlène, Offenbach, M. Plasson EMI
Jessye Norman, John Aler, Gabriel Bacquier, Jean-Philippe Lafont, dir. M. Plasson.
Vous avez aimé La Périchole ? Vous allez adorer la Belle Hélène.
Gabriel Bacquier y campe encore un roi, et pas n'importe lequel : Agamemnon en personne, le roi barbu qui s'avance, bu qui s'avance.
Cette parodie de l'histoire de l'enlèvement d'Hélène est un petit chef d'oeuvre... surtout quand la voix de la reine est la plus séduisante qui soit : celle de la sublime Jessye Norman.
Et en version vidéo, ne manquez pas :
La Belle Hélène, Offenbach, Minkowsky, L. Pelly - DVD
Laurent Pelly est un des rares metteurs en scène actuels à savoir saisir et retranscrire toute le comique et l'ironie mordante des opéras bouffes d'Offenbach, en les modernisant, ce qui est pour le coup cohérent avec ce type d'oeuvre.
Cette production de La Belle Hélène compte parmi ses plus belles réussites, avec une superbe équipe dominée par l'irrésistible Dame Felicity Lott.
Et tant que nous y sommes :
Orphée aux Enfers, Offenbach, Minkowsky, L. Pelly DVD
C'est le succès absolu qui permit en son temps à son temps à Offenbach de remplir ses caisses et ses poches trouées. On y découvre Eurydice, qui lassée de son mari Orphée, décide de se laisser emporter aux Enfers par Pluton... avant de tomber dans les bras de Jupiter, métamorphosé en mouche...
ici encore, Pelly et son équipe se sont surpassés... avec en prime une Natalie Dessay parfaite en Eurydice hystérique, alors que son mari Laurent Naouri a fière allure en Dieu des Dieux coureur de jupons !
Et pour l'opéra baroque :
J'attire également votre attention sur la superbe production de Laurent Pelly de Platée de Rameau. C'est un peu un "Offenbach" baroque : une parodie de tragédie lyrique de la même qualité qu'un opéra sérieux. Un excellent moyen de découvrir ce répertoire :
Sans parler de Giulio Cesare de Haendel avec toujours la même équipe !
Don Carlo, Verdi, Solti, CD
Carlo Bergonzi, Dietrich Fischer-Dieskau, Renata Tebaldi, Grace Bumbry, Matti Talvela, Nicolai Ghiaurov.
Plus sérieusement... voici un des plus grands chefs d'oeuvre lyriques du siècle, un "grand opéra" de Verdi, situé du temps de Philippe II et de l'Inquisition espagnole.
Quand j'ai découvert cette merveille, j'étais plongée dans les romans d'Alexandre Dumas et Zévaco alors, je me suis retrouvée dans mon univers !
La distribution de cet enregistrement de référence est exceptionnelle et permet de découvrir certains des plus grands chanteurs du siècle.
Je pourrais accumuler les adjectifs laudateurs sur tous ces merveilleux artistes, mais le plus simple est que vous écoutiez par vous-même.
Voici la Mort de Rodrigue par mon cher Dieter (ou Fi-Di pour les Allemands)
Don Carlos, G. Verdi, A. Pappano, Théâtre du Châtelet, DVD
Roberto Alagna, Thomas Hampson, José Van Dam, Karita Mattila, Waltraud Meier.
Pour avoir une version vidéo, je vous conseille ensuite la superbe version en français originelle, du Théâtre du Châtelet :
Alagna y est vraiment superbe de passion et d'élégance, José Van Dam un Philippe II émouvant, Waltraud Meier fait frémir, Mattila est ici bien meilleure que Tebaldi, et, cerise sur le gâteau, on goûte l'exceptionnel Rodrigue du beau Thomas Hampson qui seul pouvait pour moi supporter la comparaison avec Fischer-Dieskau.
Je vous conseille en outre ces autres anciennes productions du Théâtre du Châtelet (créées avant qu'on ne vole aux mélomanes cette si belle salle) : Lucie de Lammermoor de Donizetti, version française, avec les tout jeunes Roberto Alagna, Ludovic Tézier et Natalie Dessay, ainsi que les sublimes Troyens de Berlioz...
Rigoletto, Kubelik
Dietrich Fischer-Dieskau, Renata Scotto, Carlo Bergonzi, Fiorenza Cossotto
Les malheurs bouleversants d'un père humilié dont la vengeance retombe sur la fille qu'il protégeait comme la prunelle de ses yeux. A connaître absolument comme tous les opéras de maturité de Verdi d'ailleurs, et notamment la fameuse "trilogie populaire" (La Traviata, Le Trouvère et Rigoletto.)
Ici, Fischer-Dieskau, encore et toujours. Il raconte dans ses mémoires que lorsqu'il a enregistré ce Rigoletto à la Scala, tous les musiciens le regardaient d'un air soupçonneux en se demandant ce que ce "tedesco" venait faire là... surtout après la déclaration du chef selon laquelle il était celui qui prononçait le mieux l'italien de toute l'équipe...
Pari gagné : il suffit d'écouter son merveilleux "Cortigiani" touchant à la perfection pour s'en convaincre.
Et le très aristocratique duc de Bergonzi (le sublime Don Carlo de l'enregistrement précédent) a presque trop de classe !
Rigoletto, film de Jean-Pierre Ponnelle
Luciano Pavarotti, Edita Gruberova, Ingvar Wixell, dir. R. Chailly
Et si vous voulez une version vidéo, pourquoi ne pas découvrir le beau film de Ponnelle, où le sublime Pavarotti semble vouloir littéralement dévorer toutes les femmes des yeux ? Et puis, il y a la divine Edita Gruberova qui vient de nous quitter...
Un Ballo in Maschera, Solti
Luciano Pavarotti, Margaret Price, Renato Bruson
Encore une triste histoire (comme tous les opéras de Verdi), mais avec des passages plus joyeux et pétillants et un premier rôle de ténor absolument irrésistible, surtout quand il est incarné par un Pavarotti solaire. C'est l'occasion de le découvrir dans un de ses meilleurs rôles, le roi amoureux de la femme de son meilleur ami, Margaret Price à la voix d'une rare pureté, et qui se fera assassiner par lui, Renato Bruson, un des plus grands belcantistes de son temps.
Sinon, il y a toujours un superbe captation vidéo avec Domingo, encore et toujours.
Le Vaisseau Fantôme, R. Wagner
Wagner vous intimide ? Commencez pas Le Vaisseau Fantôme (ou "Hollandais volant" plutôt), vous ne serez pas déçus ! (et regardez aussi toutes les vidéos de ma chaîne Youtube... j'ai même fait une présentation intégrale de cette oeuvre, disponible à l'achat).
Moi, je ne connaissais pas du tout le compositeur quand j'ai déniché un jour celui-là dans une braderie, je ne m'en sépare plus. C'est encore suffisamment italien pour séduire les oreilles peu habituées, et suffisamment wagnérien pour vous mettre dans l'ambiance !
Attention, c'est tempétueux, prévoyez les K-Way !
Pour d'autres conseils wagnériens, j'ai trop à dire pour me lancer dans le sujet ici, mais je suis à votre disposition, car j'ai été définitivement atteinte par ce virus.
Et il y a aussi ce film que j'adore : "Pirates des Caraïbes" version wagnérienne !
La Juive, Halévy, CD
Encore une oeuvre que j'ai aussi dénichée dans une braderie... Je ne connaissais alors de l'oeuvre que l'air célèbre "Rachel quand du Seigneur", entendu dans un CD-récital de Domingo. J'ai été curieuse de savoir ce que donnerait le reste. Quelle merveilleuse surprise : une gothique histoire d'amour sur fond de fanatisme religieux. Je devais apprendre plus tard que La Juive fut un des plus grands succès du XIXe siècle à Paris.
José Carreras et Julia Varady (la femme de Fischer-Dieskau, on reste en famille) y sont tout simplement bouleversants.
Tosca, Callas, Di Stefano, Gobbi, De Sabata
Et puis, bien sûr, il y a Callas... Callas à découvrir dans un de ses plus grands rôles : Tosca. Cette immense tragédienne est ici bien entourée : son partenaire à la scène, Di Stefano, le ténor le plus amoureux et le plus italien imaginable, face à un Tito Gobbi dont le Scarpia fait frémir. Ames sensibles s'abstenir.
Et si vous voulez une version filmée, il y en a plusieurs qui sont excellentes. Je vous propose ce film par exemple qui est une valeur sûre :
Les films d'opéra
Justement, parlons en, des films d'opéra. Pour ma part, j'en suis une fan absolue. Voici quelques merveilles qui vous permettront de découvrir ce genre que l'on prétend si coûteux et élitiste, depuis votre canapé. Mais attention, pour que la magie opère installez vous confortablement, baissez la lumière et dites à votre famille de rester sage et silencieuse !
La Traviata, Zeffirelli
Teresa Stratas, Placido Domingo, dir. J. Levine
S'il y a un seul film d'opéra à voir, c'est celui-là... Tout y est tout simplement sublime : la musique, les décors, les chanteurs incarnant parfaitement leurs rôles.
Installez-vous devant votre télé et n'oubliez pas les mouchoirs.
Carmen, Migenes, Domingo, Raimondi, film de Francesco Rosi
Alors là, même si vous n'aimez pas l'opéra, vous ne serez pas déçus ! Ce film est superbe, bien filmé et disposant d'artistes de premier plan : Julia Migenes est l'incarnation même de Carmen, et difficile de trouver un Don José plus sexy et parfait que Domingo... On y retrouve en outre Ruggiero Raimondi, magnifique toréador. Bon, vous vous doutez que cette histoire va très mal finir... au milieu des arènes de Séville, mais pleurer à l'opéra fait toujours du bien.
Otello, Verdi, F. Zeffirelli
Encore un chef d'oeuvre lyrique (oui, je sais, il y a en beaucoup, mais c'est aussi le sujet de cet article). C'est Shakespeare sublimé par la musique de Verdi. Attention mesdames, ce film sublime vous fait courir le risque de tomber amoureuses d'Otello !
Otello, Verdi, H. von Karajan
Il y a deux Otello à connaître : celui de Domingo et celui de Jon Vickers. Ils sont très différents mais tous les deux passionnants. Le film réalisé par Karajan est également très beau et bien fait, présentant Iago comme une sorte de double d'Otello. La sublime Freni y est irrésistible et Vickers est tel que lui-même : un acteur-chanteur hors normes.
Salomé, R. Strauss, film de Götz Friedrich
Teresa Stratas, Bernd Weikl, Astrid Varnay, dir. K. Böhm.
On retrouve la sublime Teresa Stratas en Salomé hallucinée, dans cette oeuvre folle et déjantée qui est un excellent moyen d'entrer dans l'univers de Richard Strauss. J'ai aussi un faible pour la terrifiante Herodias de Astrid Varnay !
Cavalleria Rusticana et Pagliacci, film de Franco Zeffirelli
Placido Domingo, Elena Obratzsova, Teresa Strauss, Renato Bruson, Juan Pons.
Domingo encore et toujours à son meilleur dans ces deux superbes films qui permettent de découvrir le répertoire du Vérisme italien : des histoires de jalousie, de meurtre et de vengeance à faire pleurer dans les chaumières. A ne manquer une fois de plus pour rien au monde.
Les films d'opéra de Jean-Pierre Ponnelle
Le metteur en scène Ponnelle fut un des pionniers du film d'opéra et nous a laissé un certain nombre de chefs d'oeuvres finement dirigés et mis en scène, avec les plus grands chanteurs de son temps.
Madame Butterfly, film de J.P Ponnelle
Bon, je vais me répéter mais attention chef-d'oeuvre.
L'ambiance japonisante est parfaitement rendue par Ponnelle... et surtout, Mirella Freni est la plus sublime et bouleversante des Butterfly. Difficile de faire mieux. Bon, pour ma part, je sanglote.
Les Noces de Figaro, W.A. Mozart
Hermann Prey, Dietrich Fischer-Dieskau, Mirella Freni, Kiri Te Kanawa, Maria Ewig, K. Böhm
Exceptionnel. Vous ne trouverez pas mieux : magnifiquement joué et chanté. Le baryton allemand Hermann Prey est tout simplement l'incarnation même de Figaro, face au très aristocratique Comte de Fischer-Dieskau. Freni est une Susanne pleine de charme et Te Kanawa une Comtesse belle à se damner... sans parler de l'irrésistible Chérubin de Maria Ewig. Qu'est-ce que j'aime ce film !
Le Barbier de Séville, G. Rossini
Hermann Prey, Teresa Berganza, Luigi Alva, dir. C. Abbado
Une comédie enlevée et irrésistible, avec encore le si attachant Figaro d'Hermann Prey et la toute jeune et belle Berganza... avec en prime une superbe mise en scène de la calomnie.
La Cenerentola
Federica von Stade, Francisco Araiza, Franco Desderi, C. Abbado
Dans la même lignée, ne manquez pas cette sublime Cendrillon de Rossini, où l'humour le dispute à la virtuosité !
Les amateurs d'opéra baroque ne seront pas en reste, car Ponnelle a également participé à la renaissance du genre avec notamment une magnifique trilogie Monteverdi avec Harnoncourt qui convaincrait les plus réticents au genre : (ils sont disponibles sur You Tube d'ailleurs).
Orfeo, Monteverdi, mise en scène J.P. Ponnelle, dir. Harnoncourt
Les plus belles captations :
Roméo et Juliette, C. Gounod, Royal Opera House, DVD
Vous reste-t-il des mouchoirs à ce stade ? Préparez-les... La production, classique, est superbe, et le couple juvénile à souhait ne pourra que vous bouleverser.
Manon Lescaut, Puccini, Royal Opera House, Kiri Te Kanawa, Placido Domingo
La trop légère Manon a osé quitter le beau Des Grieux de Domingo pour un palais doré. Elle en sera bien punie. Cette oeuvre qui révéla au monde le talent de Puccini, pleine d'une passion juvénile, est à découvrir de toute urgence... et dames et messieurs pourront aussi s'extasier devant le physique des deux protagonistes...
Aida, Verdi, mise en scène Zeffirelli, Metropolitan Opera
Cette production de Zeffirelli au Metropolitan n'a d'égale en splendeur que celle de son Turandot...
Ici, vous avez tous les sphynx, chars, chevaux et hiéroglyphes dont vous pouvez rêver... mais la somptuosité des décors ne prend pas non plus le pas sur le drame : vous y trouverez une des plus exceptionnelles Amneris de tous les temps. Cette princesse égyptienne jalouse est ici incarnée par la sublime Dolora Zajick dont la voix de bronze fait trembler les murs du temple. Aprile Millo est une puissante et émouvante Aida, et Placido, fidèle à lui-même, a la voix aussi sexy que son costume d'officier égyptien.
Dans le même genre, de Zeffirelli au Met il y a aussi Turandot, La Bohème etc. De manière générale, toutes les captations du "Met" sont des valeurs sûres, vous ne pouvez pas vous tromper.
Finissons en pour l'instant. Je continuerai plus tard. Je veux vous parler entre autres de :
Peter Grimes de Britten par Jon Vickers
Don Giovanni mis en scène par Karajan
Et plein d'autres merveilles.
A bientôt !
Julia Le Brun
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